Ernesto Guevara : portrait d’un résistant authentique.

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Ernesto Guevara, dit le Che, déchaîne les passions; détesté ou admiré, il ne laisse personne indifférent. Figure emblématique de la révolution cubaine et porte-parole de celle-ci dans le monde entier durant le XXème siècle, sa vie entière a été consacrée au combat pour la liberté et l’égalité qui devait, selon lui, passer par une révolution socialiste. Sa détermination était sans faille, certes, portée par une idéologie contestable. Révolutionnaire doctrino-sanguinaire pour les uns ou combattant des causes justes pour les autres, qui était-il vraiment ? Et n’est-il pas victime aujourd’hui de son image qui l’a porté toute sa vie ?

Avant toute chose, il faut rappeler quelques faits biographiques indispensables à la compréhension du personnage. Il est né le 14 juin 1928 à Rosario de Santa Fe dans une famille de la haute bourgeoisie argentine. Etudiant en médecine, passionné par les idées, il s’intéresse au courant révolutionnaire. En parcourant une bonne partie de l’Amérique du sud à mobylette, il se rend compte du désastre créé par le système capitaliste. Convaincu par ses idées marxistes et poussant le raisonnement, il décide de partir pour Mexico afin d’y rencontrer tous les jeunes socialistes d’Amérique du sud en exil. C’est là-bas qu’il fait la connaissance de Fidel Castro, jeune avocat cubain de 27 ans, exilé, car luttant contre le dictateur Batista pro USA. Ensemble, ils se persuadent de la nécessité d’une lutte armée et organisent un débarquement à Cuba avec 40 hommes, équipés de manière précaire.  Déterminés et très bien organisés, ils réussissent vite à s’attirer les faveurs des paysans ainsi que du peuple cubain, et prennent le pouvoir en 1959 en renversant Batista.

C’est à ce moment que les choses se compliquent : la révolution est une chose, l’exercice du pouvoir en est une autre. Grâce à son action, Guevara obtient la nationalité cubaine et Castro lui délivre le titre de commandant. Tour à tour, directeur de la banque centrale et ministre de l’industrie,  il occupe ces postes quelques temps, avant de se rendre compte que sa place n’est pas derrière un bureau.  Opposé au diktat soviétique, il dénonce la main mise de l’URSS sur Cuba et plaide pour un affranchissement de l’île afin de propager leur révolution dans toute l’Amérique du sud. Ne supportant plus ce qui se passe et étant en conflit de gestion du pays avec Castro, il décide avec son accord et son soutien de partir au Congo afin de renverser la dictature en place. Mais là-bas, la situation est totalement différente ; le Congo n’est pas Cuba, les ethnies n’arrivent pas à se rassembler et le peuple ne les soutient pas massivement. C’est un échec, le Che retourne à Cuba. Finalement, il part en Bolivie, pour une nouvelle fois faire triompher une révolution socialiste, qui n’arrivera finalement jamais. La faute à des combattants qui ne sont pas disciplinés, mal organisés et à un Etat bolivien soutenu par les USA. Ils n’arrivent pas à s’appuyer sur le peuple, le Che est capturé le 8 octobre 1967 et exécuté, l’ordre ayant été donné de ne pas lui tirer dans le visage afin de pouvoir ensuite l’exposer comme un trophée de chasse devant tous les média du monde.

Après ce rappel des faits biographiques, intéressons-nous d’avantage à sa pensée et à ses œuvres. Il prônait, comme beaucoup à cette époque, la fin de l’Histoire par l’instauration d’un régime communiste. Là-dessus, l’Histoire lui a donné tort et il s’est totalement trompé. En revanche, ce qui est plus intéressant dans sa pensée et son action aujourd’hui, c’est son idée de résistance à l’empire libérale dirigé par les Etats-Unis ; ainsi que sa soif de liberté et d’égalité entre tous les êtres humains. Il a dénoncé toute sa vie l’emprise perverse d’un Etat et d’un système qui se disant libéral, finançait les dictatures les plus répressives du monde. Il a réussi également à s’émanciper du raisonnement binaire, URSS/USA, en voulant que Cuba serve d’exemple à toute l’Amérique du sud. Il mettait sa révolution sur le même pied d’égalité que la révolution russe et que la révolution chinoise. Il incitait tous les pays à la révolution, notamment les Etats fraîchement décolonisés. On peut le taxer sur ce point de « tiers-mondiste »,  terme pris dans le bon sens du terme. Il ne s’agit pas de dire qu’il est meilleur de vivre dans un pays du tiers-monde que dans un pays occidental, mais plutôt de vouloir que les pays du tiers-monde s’affranchissent du joug occidental. Il donnait des conférences dans le monde entier pour diffuser ses idées et insistait sur l’importance d’une révolution socialiste ; il était à chaque fois du côté de l’opprimé, victime du système binaire soviétique/ américain.

Ses deux idées sur lesquelles repose toute son action sont la liberté et l’égalité. Deux notions fondamentales, qu’on a essayé maintes fois d’opposer, mais qu’il faut au contraire réconcilier. C’est ce que Guevara a tenté de faire, et c’est cela qui est honorable chez lui. Il déclarait que certes, la liberté était fondamentale, mais qu’il ne fallait pas l’ériger en unique valeur toute puissante, ce que faisait le bloc occidental à l’époque ; elle ne devait pas empiéter sur une autre notion fondamentale qu’était l’égalité entre tous les hommes. Et réciproquement. Son but était de réussir à concilier les deux. Quand il se battait contre le régime de Batista à Cuba, c’était au nom de la liberté- soit contre la dictature- mais également contre l’inégalité fondamentale et contre les privilèges de la bourgeoisie cubaine au détriment du petit peuple cubain. Voilà, les raisons de sa lutte et pourquoi celle-ci a été honorable.

Un dernier point qui me paraît essentiel de noter est la récupération faite de son image. Figure de proue de la révolution et de la lutte anti-capitaliste, il est devenu aujourd’hui une marque au même point que Coca-Cola ou Kellog’s ! Il n’y a pas un objet de consommation sur lequel la tête du Che n’est pas imprimée…  Résistant à l’impérialisme libéralo-capitaliste, son image qui a porté sa cause tout au long de sa vie, est aujourd’hui un moyen de faire du profit ! Comme si n’ayant pas réussi à porter sa révolution à son but ultime, il était devenu un collabo post-mortem de son échec ! Sacré pied de nez de l’Histoire…

Au final, certes, il s’est trompé sur le système économique, le communisme ne pouvant pas fonctionner, certes il a eu du sang sur le main, comme tout révolutionnaire ayant choisi de sacrifier sa vie à une cause et certes, il n’a pas toujours pris les bonnes décisions. Cependant, il ne faut pas tomber dans une critique doctrinaire pacifiste et simpliste en disant qu’il a été un monstre sanguinaire, dogmatique et têtu. Il faudrait plutôt, comme dans toute analyse historique, garder tout ce qu’il a fait et qui pourrait nous servir aujourd’hui. Le point central de sa pensée, qui, à mon avis, vaut la peine d’être retenu et appliqué est son combat contre une idéologie inégalitaire et liberticide qui n’a plus de réelle alternative concrète. Malgré tous ses défauts, le Che nous démontre que nous pouvons nous défendre,  et même aujourd’hui, par tous les moyens possibles et existants.

Azzedine Diab

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